Par Léo Christophe – Winter is coming : zoom sur la politique sociale-démocrate d’outre-Rhin, vers une hivernale vague noire et bleue ?

Les dernières élections législatives allemandes se sont tenues le 26 septembre 2021. Le Parti social-démocrate allemand (SPD) a remporté ces élections, lui permettant de former une coalition gouvernementale. Cette coalition s’était bâtie avec les écologistes (Bündnis 90/Die Grünen) et les libéraux (FDP) sur la base d’un contrat de gouvernement. Cette alliance tripartite était surnommée la coalition des feux tricolores (Ampelkoalition) en référence aux couleurs rouge, verte et jaune de ses membres.

Les négociations pour établir cette coalition ont été complexes, mais la coalition disposait d’une large majorité au « Bundestag » (Chambre du Parlement représentant le peuple), avec 207 députés sociaux-démocrates (SPD), 117 écologistes (Bündnis 90/Die Grünen) et 91 libéraux (FDP). Un total de 415 sièges sur 733. En revanche, au « Bundesrat », la deuxième chambre du parlement représentant les États fédérés, le gouvernement ne détenait pas de majorité absolue. Cette chambre délibère cependant principalement sur des sujets de compétence partagée.

Lors de la campagne pour les élections législatives de 2021, le SPD avait promis de transformer l’Allemagne en se concentrant sur plusieurs grands piliers. Quels résultats trois ans après l’entrée en fonction du cabinet Scholz ?

  1. Transition climatique et mobilités

Le SPD s’était engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici 2045, en investissant dans les énergies renouvelables et l’hydrogène vert. Malgré des efforts, l’opposition du FDP à des dépenses supplémentaires, a freiné la transition énergétique. Des fonds importants ont été investis dans les infrastructures de recharge pour les véhicules électriques et l’amélioration des infrastructures ferroviaires et autoroutières publiques. L’ampleur de ces projets reste modérée par des ajustements budgétaires imposés par les libéraux (FDP). L’accessibilité des transports publics, une autre promesse de campagne, a été tenue. Le Deutschland Ticket permet aux allemands d’emprunter tous les transports du pays (sauf TGV et avions) pour 49€ par mois avec un seul abonnement digital.

  1. Logement abordable

Le parti social-démocrate (SPD) s’est engagé à construire 400 000 logements par an, dont 100 000 sociaux, afin de répondre à la crise du logement. La prolongation des mesures de contrôle des loyers a été une avancée. Cependant, les coûts élevés de la construction ou de la rénovation ont limité le nombre de logements créés et les résultats restent en deçà de ce qui avait été annoncé.

  1. Renforcement du système de protection sociale

Le SPD avait promis de relever le salaire minimum à 12 € par heure. Cela a été mis en place dès 2022, profitant à près de 10 millions de travailleurs. Il devait être augmenté à 14€ d’ici 2025 avant l´implosion de la coalition. Un autre engagement phare, le « Bürgergeld », visait à simplifier le système de protection sociale et à améliorer l’aide aux familles en regroupant les prestations. Cette mesure a partiellement été mise en place mais des obstacles dans la gestion budgétaire ont réduit l’impact espéré sur la réduction des inégalités et la lutte contre la pauvreté.

  1. Défense

Face à la crise en Ukraine, le gouvernement a mis en place un fonds de 100 milliards d’euros pour moderniser les forces armées, visant à respecter l’objectif de l’OTAN de consacrer 2 % du PIB à la défense. Cette modernisation est inédite dans l’histoire de la république fédérale allemande mais sa pérennité est remise en question pour l’après-2027.

  1. Santé publique

Les sociaux-démocrates (SPD) ont axé leurs efforts sur la stabilisation du système de santé et l’amélioration des conditions de travail des professionnels. Des investissements importants ont été réalisé dans la production de médicaments pour contrer les pénuries et renforcer la sécurité d’approvisionnement. Cependant, certaines mesures telles que le soutien financier accru aux hôpitaux et l’amélioration des conditions de travail, ont connu des limites notamment à cause du « frein à la dette » et des tensions avec les libéraux (FDP). Une réforme de la politique hospitalière en cours avait par ailleurs été critiquée pour le risque de détérioration de l’accès au soin de proximité dans certains territoires malgré des aspects positifs comme la simplification de plusieurs procédures. Enfin, une loi visant à légaliser partiellement le cannabis a été adoptée, permettant la possession et la culture à domicile sous certaines conditions tout en augmentant la prévention, l’accompagnement médical et les restrictions pour les mineurs.

Ces réformes marquent une rupture avec le gouvernement Angela Merkel (CDU-CSU, chrétiens-démocrates/libéraux-conservateurs), bien que le chancelier Olaf Scholz (SPD) ait été ministre des Finances dans la grande coalition précédente (type de coalition appelée GroKo – coalition entre les sociaux-démocrates du SPD et les chrétiens-démocrates de la CDU-CSU).

Malgré les promesses électorales pour la plupart au moins en partie tenues, le SPD fait face à de nombreuses critiques. D’abord, sur sa politique migratoire jugée inefficace et irresponsable par les oppositions de droite (CDU-CSU), d’extrême droite (AfD) et d’extrême gauche (BSW – Bündnis Sahra Wagenknecht) mais souvent jugée trop droitière par les militants sociaux-démocrates (SPD) et écologistes (Bündnis 90/Die Grünen). Des critiques aussi sur la perte d’influence de l’Allemagne sur la scène internationale et européenne souvent reprochée à la personnalité jugée molle du chancelier Olaf Scholz qui peine à « remplacer » Angela Merkel. Les difficultés économiques de l’Allemagne sont également au cœur des préoccupations et pourraient entraîner de vastes plans de licenciements auxquels les sociaux-démocrates (SPD) tentent de s’opposer. Enfin, la mésentente omniprésente au sein de la coalition gouvernementale notamment avec les libéraux (FDP) ont pu expliquer en partie cette chute de popularité du SPD. Celle-ci se traduisait dans les sondages, où les sociaux-démocrates (SPD) sont crédités de 15,6 %, derrière les chrétiens-démocrates (CDU/CSU 31,7 %) et l’extrême droite (AfD, 17,7 %). Cette mésentente a connu son paroxysme le 6 Novembre dernier quand le chancelier Olaf Scholz a limogé son ministre des finances Christian Lindner qui est aussi le président du parti libéral (FDP).  Ce limogeage a entrainé le départ de tous les ministres libéraux (à l´exception de Wolfgang Wissing qui a quitté le FDP) et signé la fin de la coalition.

Les résultats des élections de 2024 dans les états fédérés de Saxe (Sachsen), Thuringe (Thüringen) et Brandebourg (Brandenburg) montrent également une tendance inquiétante pour le SPD qui réalise le pire score de son histoire en Saxe (7,3%) et en Thuringe (6,1%). Si l’on regarde du côté des anciens partenaires de la coalition, les libéraux (FDP) ne parviennent à obtenir de député dans aucun de ces trois parlements « régionaux » et les écologistes (Bündnis 90/Die Grünen) ne parviennent qu’à obtenir quelques élus en Saxe. Du côté des extrêmes de droite (AfD) et de gauche (BSW), ces élections « régionales » à l’Est sont en revanche une réussite. L’extrême gauche recomposée sous la houlette de Sahra Wagenknecht grâce à ses bons scores s’est imposée comme partenaire de coalition dans un voire deux états fédérés et l’extrême droite réussit à réunir entre 29 et 34% des suffrages dans ces trois états d’Allemagne de l’Est.

Toutefois, les résultats dans le Brandebourg sont plus encourageants pour les sociaux-démocrates (SPD). Le SPD remporte les élections avec 33,57 % des suffrages directs en septembre 2024, défiant les sondages et améliorant son score par rapport aux précédentes élections.

Avec la fin du soutien des libéraux (FDP) au gouvernement, les sociaux-démocrates (SPD) et les écologistes (Bündnis 90/Die Grünen) ne disposent plus d´une majorité au Bundestag. Conformément à la Grundgesetz (constitution allemande), le chancelier va donc poser une question de confiance au Bundestag le 16 Décembre. Si Olaf Scholz n´obtient pas la confiance d´une majorité de député (ce qui est probable puisqu´il n´a pas de majorité), de nouvelles élections seront organisées dès le 23 Février 2025. Les prochaines élections législatives nationales étaient initialement prévues pour le 28 septembre 2025, elles auraient donc lieu sept mois plus tôt. Les sondages donnent la CDU-CSU (chrétiens-démocrates/libéraux-conservateurs), leader de l´opposition qui appelait de ses vœux de nouvelles élections anticipées, largement en tête et l’extrême droite (AfD) deuxième. Le SPD peut-il inverser la tendance ? La « machine de guerre » SPD qui compte près de 400, 000 adhérents (mais en a perdu plus de 15, 000 en 2023 et en a compté 1 million dans les années 1970), est perpétuellement en campagne du fait de l’organisation fédérale de l’état. Les sociaux-démocrates peuvent-ils déjouer les sondages comme en 2021 ?

Vu d’Allemagne, la réponse est oui mais cela reste improbable. Il est en revanche possible que le SPD reste au gouvernement dans le cadre d’une grande coalition (GroKo) mais sous domination des chrétiens-démocrates-conservateurs (CDU-CSU) et en perdant la chancellerie. De plus, les résultats de l’extrême-droite (AfD) pour l’instant limités par de relativement faibles scores dans le sud de l’Allemagne pourrait tenter certains conservateurs au sein de la CDU-CSU qui se refusent depuis toujours à une alliance avec l’AfD.  Le chancelier social-démocrate Olaf Scholz (SPD), critiqué au sein de son parti a été réinvesti après que son très populaire ministre de la Défense Boris Pistorius ait annoncé ne pas être candidat. Il souhaite donc tenter de faire mentir les pronostics une nouvelle fois.

Pour en savoir plus, il est essentiel d’échanger avec nos voisins et camarades d’outre-Rhin. Dans cet esprit, l’équipe fédérale du Parti socialiste du Cantal travaille à établir un jumelage avec le SPD Unterbezirk Frankfurt (Oder) – Oder-Spree, renforçant ainsi les liens européens qui sont au cœur de notre engagement socialiste.

Léo Christophe

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